Et si vous appreniez que Toyota, Samsung ou AXA a fait faillite pour trésorerie déficitaire ? Vous vous diriez peut-être : « mais ça fait à peine quelques mois on parlait encore de Toyota, de la sortie du Samsung S8 et du fait que AXA a un revenu supérieur à celui de Total !! Comment ils peuvent manquer de liquidité ? »
Les compagnies citées plus haut se portent encore bien pour autant que je sache. Mais une faillite pour manque de liquidité, c’est ce qui est arrivé en 2002 quand la 5e plus grosse entreprise américaine, ENRON a dû fermer.
Pour une entreprise commerciale, l’équation semble simple à première vue : Les entrées d’argent doivent être supérieures aux sorties d’argent. Cependant, dans la pratique l’équation ne marche pas forcément. La PME camerounaise se retrouve bien souvent avec une trésorerie déficitaire.
L’argent n’entre pas forcément à temps
Certaines entreprises réalisent de bonnes ventes, mais ont d’autres problèmes dans le cycle opérationnel. Une des raisons peut être que l’entreprise accorde des délais de paiement trop longs. Ce la peut être aussi que les principaux clients sont des grandes entreprises ou à des structures étatiques qui imposent des délais de paiements longs de toute façon. Ou encore, dû aussi au fait que les clients ne paient pas à temps.
Les sorties d’espèces ne sont pas maîtrisées
De l’autre côté, de l’équation, l’entreprise a peut-être des coûts de production élevés ou alors d’autres dépenses non suffisamment maîtrisées. Les dépenses à effectuer n’attendent pas: les employés demandent à être payés selon leurs contrats, les fournisseurs exigent leur règlement. ENEO, CDE et CAMTEL n’attendent pas pour couper les lignes.
Les entreprises qui vendent au comptant peuvent se croire épargnées. Si vous avez déjà eu beaucoup d’ espèces en poche vous savez comment c’est facile de dépenser sans compter. Les managers peuvent utiliser l’argent à faire des achats non planifies en oubliant les autres dépenses en attente (fournisseurs à payer, salaires, etc.)
Par conséquent [twitter_icon] l’entreprise peut afficher un chiffre d’affaires élevé, mais ne pas avoir l’argent pour remplir ses obligations, c’est-à-dire payer ses factures et autres dettes.
Si ENRON – 5e plus grosse entreprise américaine – peut faire faillite, aucune entreprise n’est pas à l’abri. Chaque dirigeant doit être vigilant. L’exercice de prévision de trésorerie est pratique courante dans les grandes entreprises, mais dans les PMEs la pratique n’est pas encore bien installée. Pourtant, les PMEs sont celles qui bénéficieraient plus de cet exercice.
Prévoir les entrées
Quel chiffre d’affaires est-ce que je pense pouvoir générer ?
Quand est-ce que ce chiffre d’affaire va se concrétiser en espèces? C’est à dire, quand est-ce que mes clients vont me payer?
Il s’agit de savoir prévoir ce qui rentrera en caisse ou en banque, et donc ce qui sera immédiatement disponible.
Planifier les sorties
L’entreprise doit également savoir planifier ses dépenses prochaines qui nécessiteront un paiement en espèce (sortie de caisse ou de banque). Pour gagner de l’argent il faut en avoir dépensé avant. Par exemple, dans le transport de marchandises, chaque déplacement demandera un certain montant disponible en espèces pour payer le carburant, péages, pesages etc. Si cet argent n’est pas disponible, alors le camion, chauffeur et moto-boy ne peuvent pas se déplacer. Et là les commandes ne peuvent plus être remplies. La spirale de la mort commence.
Entre ce que je dois dépenser tout de suite, et ce que je me suis engagé à payer, je peux me faire une bonne idée de ce que je vais devoir sortir prochainement: quelles sont les factures fournisseurs qui arrivent à échéance; quel est le montant des salaires; pour remplir mes commandes, qu’est-ce que je vais devoir sortir comme argent? Est-ce que j’ai d’autres charges à payer?
Anticiper les périodes de manque et de surplus
La visibilité obtenue par l’exercice des prévisions permet d’anticiper les moments de manque de liquidités, et ceux où il y aura un peu trop d’argent en caisse ou à la banque.
L’entreprise s’inquiète souvent plus du manque de liquidité. Mais si cela est prévu, elle pourra anticiper en cherchant la meilleure source de financement: prêt bancaire? de quelle nature? Prêt par les actionnaires? « Bouffer » une tontine? Demander une rallonge de délai de paiement des fournisseurs? Demander à un client de payer par anticipation? Ou chercher d’autres sources de financement?
L’entreprise s’inquiète moins d’avoir un surplus de cash, mais cette situation aussi présente ses inconvénients. Devant un gros montant, le manager ou le dirigeant peut se retrouver en train d’acheter une Prado VX, ou accorder de gros bonus. Même si cet argent n’est pas dépensé de façon frivole, il sera en caisse ou à la banque alors que l’entreprise pourrait l’utiliser de façon plus rentable.
Lorsqu’ un surplus est anticipé, l’entreprise pourra décider ce qu’elle en fera. Peut-être qu’il faudra faire un placement pour avoir un bon retour sur investissement, ou alors anticiper le paiement d’une facture pour bénéficier d’une réduction accordée par le fournisseur, ou rembourser un prêt pour réduire les intérêts payés.
Dans tous les cas, il vaut mieux avoir l’information en avance et donc pouvoir décider à tête reposée comment on garera la situation, que ce soit un trop plein ou un manque passager de liquidités.
Un exemple
Un petit budget peut être aussi simple que celui ci-dessous. Et déjà il permet de voir que la dernière semaine du mois on peut s’attendre à être un peu tendu, ce qui permet d’anticiper. Un actionnaire pourrait par exemple faire une avance en compte courant d’associé (un prêt de l’actionnaire à l’entreprise).
Le tableau est interactif. Vous pouvez jouer avec les libellés et les montants.
Équilibrer compta et solde bancaire
Un autre exercice important consiste à s’assurer que le solde bancaire noté dans la comptabilité et celui reporté par la banque sont identiques.
Effectivement, les entrées et les sorties d’espèces ne sont pas instantanément reflétées de part et d’autre. Par exemple, la banque reçoit le paiement d’un client, il faut noter ce paiement manuellement dans sa comptabilité. Un chèque émis par l’entreprise n’est pas présenté à la banque immédiatement. La différence de timing crée des différences entre la comptabilité et la banque. Les bonnes pratiques demandent de faire le rapprochement pour s’assurer qu’à tout moment la bonne information est disponible. Un fournisseur pourrait par exemple présenter son chèque pour encaissement 3 mois après l’émission. Ce chèque est peut-être déjà oublié et s’il n’y a pas assez d’argent en banque, c’est un peu embêtant. L’exercice de réconciliation bancaire permettra entre autres d’éviter les surprises désagréables.
Est-ce que votre entreprise fait déjà des prévisions de trésorerie et des réconciliations bancaires? Commentez ci-dessous ou sur Twitter #upgradeyourself.